Le décret réformant les marchés publics est paru !
- Cyrille Emery
- 27 mars 2016
- 3 min de lecture

On l'attendait depuis quelques semaines, et le voici : c'est le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, publié au Journal officiel du dimanche 27 mars. Ce décret appelle trois observations préalables.
Première observation : ce décret ne contient pas [comme prévu] un "code des marchés publics", comme d'ailleurs l'indique son titre. Il n'y a donc plus de code à proprement parler, mais un empilement de deux textes. Le premier est l'ordonnance du 23 juillet 2015, le second, le décret paru le 27 mars. Cette remarque n'est pas tout à fait neutre. Elle révèle une réforme sous-jacente, à l'oeuvre depuis plusieurs années : celle d'un code de la commande publique, dont la réforme actuelle est l'une des étapes.
Deuxième observation : l'ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret du 25 mars 2016 seront applicables pour toutes les procédures engagées à partir du 1er avril. Le gouvernement a donc tenu les délais qui lui étaient imposés par les directives européennes, lesquelles imposaient une transposition avant le 18 avril 2016.
Troisième observation : un certain nombre de dispositions sont similaires à celles qui préexistaient dans les textes précédents, mais pas identiques. Il en va ainsi de la définition des marchés ou d'un certain nombre de dispositions relatives aux procédures. La prudence s'impose, car Bercy a tout réécrit. Cet exercice est dicté, semble-t-il, par la volonté qu'ont eu les auteurs d'intégrer la jurisprudence dans les textes. L'idée n'est pas mauvaise en soi, mais elle a un défaut : en introduisant des phrases qui expliquent différemment la même chose, on introduit de l'incertitude. Et en droit comme chacun sait, l'incertitude est mère de tous les vices... de procédure.
Sourçage, procédure concurrentielle avec négociation...
Pour en venir au fond, le décret, comme prévu, réunit un certain nombre de contrats publics qui étaient précédemment régis par des textes spécifiques. Les contrats de partenariats et les partenariats sectoriels se trouvent ainsi réunis sous la bannière des "marchés publics", qui était d'ailleurs la leur au niveau européen. Il réunit également les deux parties du code qui étaient jusque là réservées, l'une aux pouvoirs adjudicateurs, et l'autre aux pouvoirs adjudicateurs agissant en qualité d'entités adjudicatrices.
Le décret introduit officiellement une pratique courante et encouragée dans le milieu de l'achat public : le sourcing ou sourçage.
Il crée également une nouvelle procédure : la procédure concurrentielle avec négociation, réservée aux pouvoirs adjudicateurs. Il est à noter que les conditions dans lesquelles l'acheteur public peut recourir à cette procédure sont les mêmes que celles permettant le recours au dialogue compétitif.
S'agissant des services juridiques, l'article 29 du décret maintient la distinction opérée par la directive européenne, en séparant bien les marchés de représentation devant une autorité administrative ou juridictionnelle, et les marchés de pur conseil. La mise en concurrence opérée a minima devrait satisfaire les avocats, si du moins les acheteurs n'ont pas peur d'utiliser la liberté qui leur est ainsi conférée.
Les délais permettant aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou leur offre sont sensiblement réduits. Ainsi, le délai prescrit pour l'appel d'offres ouvert passe de 52 jours à 35 jours, pouvant être ramené à 30 jours si les offres peuvent être présentées par voie électronique (ce qui sera obligatoirement le cas à partir du 1er octobre 2018).
Du travail pour les praticiens
On ne peut pas ici recenser la myriade de petites modifications apportées à la pratique des acheteurs publics et des entreprises qui concourent à l'attribution des marchés publics. Cela peut être déroutant pour les praticiens, car les anciennes dispositions vont continuer à s'appliquer pour toutes les procédures engagées avant le 1er avril, et pour tous les marchés en cours d'exécution. Pendant deux à trois ans, des marchés passés sous l'empire des anciennes règles cohabiteront avec ceux soumis aux nouvelles dispositions. C'est le cas à chaque réforme, mais la myriade de petites modifications apportées aux textes risque de compliquer la gymnastique intellectuelle des praticiens.
Le décret apporte enfin un certain nombre de modifications en ce qui concerne l'exécution des marchés : avenants (art. 139), conservation des données, etc.
Il pose une question, plus spécifique au droit français, qui est celle de la loi dite "Loi MOP" (loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique), dont la pertinence et l'intérêt sont de moins en moins évidents.
En conclusion, on pourrait dire que ce texte est le fruit d'un gros travail de la part de Bercy. Mais sa mise en oeuvre demandera, elle aussi, un gros travail aux acheteurs publics et aux opérateurs économiques : le printemps de l'achat public, en somme !
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