Liberté de parole de l’avocat : une liberté à défendre !
- Cyrille Emery, consultant
- 7 janv. 2019
- 2 min de lecture

Le site Dalloz a publié le 7 juin 2018 un long article consacré à la liberté d'expression des avocats. Au nom du rôle spécifique dont ils se croient investis, certains ordres, voire les procureurs généraux, n'hésitent pas à poursuivre les avocats dont ils estiment la parole trop libre ou non conforme à ce que, eux, auraient dit ou écrit en pareille situation. Or, la parole de l'avocat est ce qu'il a de plus précieux, puisque c'est elle qui lui sert à défendre son client.
L'auteur, Jean-Louis Borie, nous raconte l'avancée qu'ont obtenue les avocats dans l'intérêt de leurs clients, grâce à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 5e sect., 19 avr. 2018, Ottan c. France, n° 41841/12 : Dalloz actualité, 4 mai 2018, obs. S. Lavric) :
"Alors que deux gendarmes attendaient d’être jugés par le tribunal correctionnel pour faux témoignages, un troisième était poursuivi devant la cour d’assises pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. D’emblée, les conditions d’exercice de la défense devant la cour avaient été difficiles, la présidente de la cour d’assises s’opposant à l’audition des deux gendarmes poursuivis pour faux témoignages dont le cas avait été dissocié.L’acquittement du gendarme ne fut pas une surprise pour la partie civile et c’est dans ces conditions qu’à l’issue du verdict, répondant dans la salle d’audience à un journaliste qui demandait « vous vous attendiez tout de même à ce verdict ? sans commenter vraiment le verdict, vous le craigniez ? », Alain Ottan répondait spontanément « Oui, bien entendu. J’ai toujours su qu’il était possible, un jury blanc, exclusivement blanc, où les communautés ne sont pas toutes représentées, avec, on peut bien le dire, une accusation extrêmement molle, des débats dirigés d’une manière extrêmement orientée. La voie de l’acquittement était une voie royalement ouverte, ce n’est pas une surprise ».Poursuivi à l’initiative du parquet général devant le conseil régional de discipline, sur la base d’une partie seulement de cette déclaration (la moitié de la phrase était abandonnée, les propos relatifs à une accusation extrêmement molle et des débats dirigés d’une manière extrêmement orientée, n’étaient pas retenus), il était relaxé par le conseil régional de discipline.Sur appel du procureur général, la cour de Montpellier prononçait un avertissement et, malgré les conclusions de l’avocat général, la Cour de cassation rejetait le pourvoi, validant le raisonnement de la cour d’appel, en rappelant « qu’en dehors du prétoire, l’avocat n’est pas protégé par l’immunité de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1981 et que les propos tenus présentaient une connotation raciale, jetant l’opprobre sur les jurés et la suspicion sur leur probité, caractérisant ainsi le manquement au devoir de modération et de délicatesse ».Notre confrère avait saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), une telle sanction constituant une violation de l’article 10 de la Convention européenne.Celle-ci vient de lui donner gain de cause toujours au nom de la liberté d’expression..."