Marchés publics de services juridiques : Bercy ferait-il machine arrière ?
- Cyrille Emery
- 23 janv. 2016
- 2 min de lecture

Le gouvernement ferait-il machine arrière en ce qui concerne les marchés publics de services juridiques ? Une réponse ministérielle du 22 décembre 2015 le laisse penser. Rappelons tout d'abord que, contrairement aux objectifs poursuivis par les directives marchés publics en cours de transposition en Europe, le gouvernement français avait choisi de ne pas transposer l'exclusion dont bénéficient les prestations juridiques rendues en liaison avec un litige né ou à naître.
Alors que la plupart des États membres se félicitaient de cette exclusion, comme la Belgique, la France s'apprêtait donc à faire cavalier seul à l'occasion de la réforme française du droit des marchés publics. Les avocats avaient saisi le Conseil d'État, tandis que des voix nombreuses s'élevaient pour stigmatiser cette habitude bien française qui consiste à créer des usines à gaz administratives là où l'Europe propose des solutions éprouvées et consensuelles.
Il faut croire que Bercy a entendu les plaintes de tous ceux qui se sont penchés sur la question. C'est du moins ce qui ressort d'une réponse ministérielle qui évoque une "procédure allégée" pour les marchés publics de services juridiques.
Selon Bercy, "Le gouvernement pouvait (...) choisir de ne pas transposer l’exclusion en cause sans que ce choix soit susceptible d’entraîner un risque de condamnation de l’État français pour manquement au droit de l’Union européenne. Ce choix se fonde sur la volonté de conserver dans les relations entre les administrations publiques et leurs conseils un niveau important de transparence. Cela contribue à la bonne information des citoyens et garantit l’intégrité des marchés. Ce choix est conforté par le rapport de la Cour des comptes intitulé « le recours par l’État aux conseils extérieurs », demandé par la commission des finances du Sénat en application de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances, et rendu public le 12 mars 2015. Afin de tenir compte des réserves formulées par la profession et ne pas alourdir inutilement les charges pesant sur les parties prenantes, il est envisagé de soumettre les marchés publics de prestations juridiques à une procédure de passation allégée."
Contrairement à ce que pense Bercy, il pouvait être soutenu que la transposition d'une directive européenne ne peut aller frontalement à l'encontre des objectifs que celle-ci vise à atteindre, et ce, que la directive soit une directive de coordination ou une directive d'harmonisation. Cette qualification est d'ailleurs dépassée depuis bien longtemps en ce qui concerne le droit européen des marchés publics, tant la législation de l'Union dans ce domaine est précise, détaillée et inconditionnelle.
Quoiqu'il en soit, Bercy semble à l'écoute des praticiens et propose désormais la voie d'une "procédure allégée" dont rien ne nous dit ce qu'elle sera. Il faut donc aux avocats et à leurs clients publics un peu de patience, et un peu d'optimisme, pour se préparer à la réforme qui s'approche désormais à grands pas.
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