Juge administratif et parasitisme économique
- Cyrille Emery
- 19 janv. 2016
- 2 min de lecture
C'est une très intéressante décision que nous a livrée le tribunal administratif de Versailles le 19 mars 2015, dans une affaire opposant la société Stratégies Networks à la Communauté d'agglomération d'Évry-Centre-Essonne. La société Strategies Networks demandait la condamnation de la communauté d'agglomération d'Évry-Centre-Essonne à raison de son utilisation sans autorisation du modèle de règlement de concours qu’elle commercialisait.
Le Tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il n'était pas compétent pour se prononcer sur une question de « parasitisme économique ». Étrange décision qui mériterait que la doctrine s'y intéresse de près.
Le modèle de règlement litigieux n’était pas protégé par le droit de la propriété intellectuelle (Cass. 29 novembre 2005, n°04-12721 : « le règlement d'un concours ne peut, indépendamment de la forme ou de la présentation originale qui ont pu lui être donné, constituer en lui-même une œuvre de l'esprit protégée par le droit d'auteur au sens des dispositions […] du code de la propriété intellectuelle »).
La jurisprudence judiciaire a, en un tel cas, reconnu la possibilité pour la victime d'agissements déloyaux d'engager la responsabilité civile de l'auteur de ces agissements au titre du « parasitisme économique », pour protéger les abus, dans le champ économique, et notamment ceux n'étant pas couverts par le droit de la propriété intellectuelle.
Ce parasitisme résulte, notamment, de la copie, à titre lucratif et de façon injustifiée, de la valeur économique d'autrui, fruit d'un effort intellectuel et d'investissements.
Cependant, juge le tribunal administratif de Versailles, cette action particulière aurait un caractère subsidiaire par rapport à l’action en contrefaçon. Et, c’est dans la mesure où un requérant ne pourrait se prévaloir de droits de propriété intellectuelle ou d’une action en concurrence déloyale que l’action en parasitisme lui serait ouverte. La question de responsabilité posée était donc liée au droit de propriété intellectuelle et seul pouvait la trancher le juge de la propriété intellectuelle, celui-là même qui a développé la jurisprudence sur le parasitisme. Or, dans cette matière, seul le tribunal de grande instance est compétent, juge le tribunal administratif, en vertu de l'article L. 331-1 du code de la propriété littéraire et artistique.
Le renvoi à l'article L. 331-1 nous semble ici inapproprié, car celui-ci crée un bloc de compétence en faveur du juge judiciaire, compétent en matière de propriété intellectuelle, lorsqu'une action en contrefaçon fait "également" l'objet d'une action en concurrence déloyale en connexité avec la première. Cette disposition ne s'applique pas à une action en concurrence déloyale uniquement fondée, en responsabilité civile, sur l'article 1382 du Code civil.
Puisque la contrefaçon n'était pas invoquée (ou invocable ?) en l'espèce, il n'y avait pas lieu de faire application de l'article L. 331-1 susmentionné, et la responsabilité administrative fondée sur les principes dont s'inspire l'article 1382 du Code civil, qui constitue le fondement de l'action en concurrence déloyale pour parasitisme, pouvait être appréciée par la juridiction administrative. De là à dire que la Communauté d'agglomération aurait été condamnée, il y a un évidemment pas que nous ne franchirons pas ici.
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