Décès des professeurs René Chapus et Francis-Paul Bénoit
- Cyrille Emery, associé
- 6 août 2017
- 3 min de lecture

Avec l'annonce du décès du professeur René Chapus (photo) en pleine torpeur estivale, c'est un peu du monde ancien qui s'en va, pour laisser place à de nouveaux chercheurs en droit administratif et, plus largement, en droit public.
Après la disparition du professeur Christine Bréchon-Moulènes, survenue trop tôt il y a quelques années, ce sont les professeurs Gérard Marcou, Frank Moderne, René Chapus, et hier, Francis-Paul Bénoit, qui nous ont quittés en l'espace de quelques mois. Une hécatombe.
À tous, je dois quelque chose, et ne les remercierai jamais assez pour ces petites pierres qu'ils ont posées sur ma route sinueuse...
Le professeur René Chapus, tout d'abord, m'a fait découvrir le droit administratif. Avec sa voix douce, presque suave, il déroulait avec finesse et subtilité un cours d'une rare intelligence. Pour ceux qui l'ont eu en cours, la lecture de ses ouvrages faisait entendre le son de sa voix... Sa rigueur extrême était celle d'un moine-copiste, tout entier attaché à son oeuvre, peaufinant chaque mot, pour parfaire l'édifice au fil des éditions successives.
Le professeur Christine Bréchon-Moulènes, ensuite. C'est la lecture du "Droit des marchés publics" en 3 volumes (éd. Le Moniteur) qui m'a fait découvrir, alors que j'étais agent public, que les marchés publics n'étaient seulement le fruit d'une réglementation technique, mais qu'il s'agissait véritablement d'une matière juridique, au sens noble du terme. Mme Bréchon-Moulènes m'a fait l'honneur de me demander de mettre à jour les chapitres qu'elle avait initialement rédigés pour cet ouvrage de référence. J'ai eu l'inconscience d'accepter cette tâche, et sans son appui bienveillant, je n'y serai jamais parvenu. Elle m'a ensuite emmené "dans ses bagages" en m'associant au séminaire lié à son cours à La Sorbonne (Paris-1). J'y suis toujours et de cela, jamais je ne la remercierai assez.
Le professeur Gérard Marcou, décédé en début d'année universitaire, avait pris la succession de Mme Bréchon-Moulènes comme directeur du Master 2 Droit public des affaires (Paris-1). Il a toujours eu la gentillesse, avec Laurent Vidal, de m'associer à leurs réflexions sur l'avenir de ce diplôme qui m'est cher, et de cela, je lui suis - et leur suis - profondément reconnaissant.
Le professeur Frank Moderne, que je n'ai hélas pas connu personnellement, m'a fait découvrir le droit des contrats administratifs, d'abord par la lecture du traité de "Droit des contrats administratifs" en 3 volumes chez LGDJ (1983/84), qui reste la référence en la matière. Cette somme, dont Frank Moderne partageait la rédaction avec Pierre Delvolvé et le grand André de Laubadère, reste incontournable si l'on veut comprendre la logique de ce droit parfois abscons.
Enfin, le professeur Francis-Paul Bénoit, fondateur de l'Encyclopédie Dalloz Collectivités locales, dans laquelle il me fit l'honneur de m'inviter à écrire le premier fascicule sur les PPP (repris avec brio par Jean-Marc Peyrical). Il a rejoint son fils Jean, trop tôt disparu, qui était le secrétaire général de l'Encyclopédie. Ses fascicules sur le droit de la police administrative, et notamment du droit du stationnement, restent un modèle du genre, et ceux de son fils sur le droit pénal public, une mine d'or pour qui veut aborder ces matières complexes.
Avec la disparition de ces grands publicistes, c'est un monde ancien qui s'en va... dans l'attente d'un monde nouveau qui tarde un peu à se manifester. Puisse le droit public tirer profit de la pensée et de la production juridique de ces grands hommes, qui ont façonné ce droit si attachant, et si délicieusement détaché des contraintes financières et de la rapidité du monde dit "moderne".